Quelle forêt pour nos enfants ?

La forêt d’Anost s’étend sur 61% du territoire communal (moyenne nationale 26% ).

[dropcap1]L[/dropcap1]es résineux (douglas, sapin pectiné, épicéa commun) occupent 51% de la surface boisée, contre 49% pour les feuillus (hêtre, chêne sessile, érable sycomore, frêne, châtaignier, bouleau…). La moitié de la surface enrésinée est issue d’anciennes terres agricoles abandonnées au début des années 50.

La structure de la propriété forestière reflète le passé démographique de la commune. Avec 3880 habitants en 1856, dont 550 familles vivant de l’ agriculture sur des surfaces de moins de 10 hectares, le morcellement foncier était de rigueur au fil des générations. De grands propriétaires comme la famille de Chastellux possédaient à l’époque jusqu’au tiers de la surface communale, générant de nombreux conflits et procès avec la paysannerie qui cherchait à faire reconnaître ses droits d’usage. Les grands propriétaires de l’époque préféraient céder la pleine propriété de petites parcelles que de tolérer des droits de pacage sur l’ensemble de leur domaine.

Dans les années 30, l’Etat fit l’acquisition d’une de ces grandes propriétés ( plus de 1000 hectares ) qui devint domaniale. Autrefois traitée en taillis fureté (on prélevait régulièrement une tige tous les 10 à 15 ans sur une cépée qui en possédait 3 ou 4 ) pour le bois de chauffage, la forêt feuillue s’est métamorphosée en futaie plus ou moins régulière à la fin de l’apogée du flottage des bois sur Paris. Le climat rigoureux et la frugalité des sols ( souvent acides ) ainsi qu’une sylviculture peu dynamique ont permis aux résineux de s’implanter, répondant ainsi à la volonté de l’ Etat d’assurer l’ indépendance nationale en matière de production de bois d’œuvre, ceci dès la fin de la seconde guerre mondiale par le biais du Fond Forestier National.

Une fois arrivées à maturité (vers une soixantaine d’années ), ces grandes plantations sont exploitées et en général reboisées, alors que les petites surfaces se trouvent le plus souvent livrées à elles mêmes (les petits propriétaires, urbains ou rurbains pour la plupart, hésitent à réinvestir après l’exploitation, dans ce placement à très long terme). Les feuillus colonisent à nouveau cet espace laissé libre … la nature ayant horreur du vide.

Longtemps cultivées en futaie régulière (tous les arbres ont le même âge et un diamètre voisin), les plantations résineuses souffrent de connotations négatives, surtout dans leur jeune âge. L’alignement austère, le peu de lumière arrivant au sol, le manque de diversité biologique, ne favorisent pas leur intégration dans le paysage morvandiau. L’arrivée des premiers débouchés économiques par l’installation de scieries, a stimulé la sylviculture et l’aspect des peuplements.

Revers de la médaille : autrefois les industriels s’adaptaient à la forêt (des gros arbres, donc des gros bancs de sciage ), aujourd’hui la forêt tend à être cultivée en fonction des besoins des industriels (des petits bois calibrés pour les « canters » à sciages rapides).

Depuis le début des années 80, la futaie irrégulière (les arbres ont des âges et un diamètre différent) a fait son apparition dans le Morvan et sur la commune d’Anost. Historiquement inféodée au sapin pectiné en zone de montagne, cette technique a été adaptée au douglas. La gestion de ces peuplements demande plus de suivi de la part du forestier, mais permet de favoriser un mélange d’essences et une diversité paysagère certaine. Un choix cornélien va donc se poser pour bon nombre de propriétaires dont les bois arriveront à maturité dans les dix ans à venir.

Quel choix pour la forêt des années quatre vingts ?

Les épisodes climatiques se succèdent avec leur lot de tempêtes (1982, 1986, 1989, 1999, 2009), de sécheresses (1976, 1983, 2003). Cette accélération brutale des modifications du climat à l’échelle de la vie d’un arbre, va profondément modifier les paysages forestiers. Les végétaux s’adaptent lentement et une sélection semble inéluctable à moyen terme (moins de 100 ans).

Chablis au dessus de vaumignon

Les divers scénarios envisagés par les experts de la communauté scientifique, retiennent (hypothèse modérée) une augmentation générale des températures (en particulier l’été) et un changement du régime des précipitations (diminution en période de végétation et augmentation en période de repos végétatif ). Ces changements se traduiraient par une forte aggravation du stress hydrique (en intensité et en fréquence) et par une saturation en eau des sols en période hivernale. La sécheresse et les fortes chaleurs de 2003, ont provoqué des dépérissements sur le douglas en versant sud et sur le hêtre en station limite. La stabilité des arbres et les problèmes d’exploitation (bien connus des randonneurs) sur les parcelles et les chemins forestiers durant les hivers pluvieux, nous alertent déjà.

Un certain nombre d’observations de modifications des aires de répartition des espèces ont permis de modéliser leur déplacement géographique. Les résultats montrent une forte progression des espèces méditerranéennes vers le nord et une régression des espèces montagnardes (dont le hêtre). Nos « queules » de foyard survivront-elles à l’ horizon 2100 ?

Le changement climatique peut avoir un effet direct sur les pathogènes ou les insectes phytophages. Ainsi, une augmentation même minime de la température permet un développement plus rapide des insectes, l’augmentation du nombre de générations et des déplacements …

Quelles conséquences pour la gestion forestière ?

– La détermination des stations forestières (des espèces adaptées au sol )

– le maintien de la fertilité des sols (afin de mieux affronter les stress écologiques).

– le respect de la porosité des sols (un sol compacté par des engins de débardage nuit au système racinaire des arbres et aggrave leur alimentation en eau).

– le choix des essences : à court et moyen terme, pour augmenter la résilience des peuplements, il faut privilégier les mélanges d’essences en utilisant des provenances adaptées.

– la sylviculture : la dynamisation des interventions pour obtenir des forêts plus claires avec des arbres moins élancés et plus trapus.

Vaste programme …!

Dernier espace de liberté, refuge de vie sauvage pour les uns, enjeu de développement économique pour les autres, la forêt d’Anost ne laisse pas indifférent.