L’inoubliable hiver 56

C’était en février 1956, il y a 60 ans. Un épisode hivernal hors du commun par sa soudaineté, sa longueur, sa rigueur et les traces indélébiles qu’il a laissées dans les mémoires de celles et ceux qui l’ont vécu. Après quelques appels dans la presse régionale ici remerciée et dans « Vents du Morvan », Philippe Berte-Langereau a pu recueillir des témoignages qui font revivre cette période après soixante ans. Un des points marquants de cette collecte, est la façon dont chaque personne a vécu cet épisode en fonction de son âge, de son métier, de ses activités. Par contre, les photos concernant cet hiver sont extrêmement rares. Si vous en possédez, vous pouvez en faire part au magazine afin de compléter ultérieurement ces témoignages.

Témoignage de M. et Mme Dupuis, les Ventes, 21 210 Saint-Didier

« Il a fait doux et humide jusqu’à la fin de janvier. À cette époque, nous n’étions pas prévenus par la météo. La température a chuté d’un seul coup. Beaucoup de caves n’avaient pas les larmiers bouchés et les betteraves et les légumes ont gelé.

Les maisons n’étaient pas isolées comme maintenant et je me rappelle que l’huile figeait dans la cuisine ; il fallait la mettre sur la cheminée. Les écuries étaient pleines de bêtes mais le fumier gelait derrière les trois plus près de la porte qui était pourtant fermée, plus la barrière qui avait une couverture. Quand on les lâchait pour aller boire dehors, elles faisaient demi-tour et il n’y avait pas besoin de barrer le chemin. La fontaine ne gelait pas mais il fallait de l’eau chaude dans l’abreuvoir car lui gelait.

On se relayait à tour de rôle pour obliger les bêtes à aller boire tellement il faisait froid. Nous n’avions pas de thermomètre à cette époque mais il a dû faire -22° ou -25°. »

Témoignage de M. François Bouillé, Dinan en Bretagne

« Je suis originaire de Château-Chinon et j’avais 14 ans en février 1956.
Je me souviens de la douceur qui régnait le 1er février 56 vers 13 heures, à l’abri du vent. Car le vent arriva brusquement quelques heures plus tard : le thermomètre marquait -18° le matin du 2 février. Un mois durant, le froid ne cessa de progresser jusqu’à -30°. Ce froid, par sa durée, a eu des conséquences considérables. D’abord sur l’ouverture des bâtiments publics : on était au début de la modernisation du chauffage, les chaudières fonctionnaient au fioul lourd mais avaient besoin d’électricité pour rester en marche. Dès les premières coupures, le gel progressa lentement dans les canalisations de chauffage. Il aura fallu des braséros sous chaque radiateur au redémarrage. L’électricité de Château-Chinon était fournie par la vieille usine hydroélectrique (1890) de la Vallée de Cour qui fonctionnait grâce à une dérivation forcée de l’Yonne ; mais, le froid progressant, la chute se prit en glace et il fallut des équipes de bénévoles se relayant jour et nuit pour assurer un débit suffisant au fonctionnement des turbines.

L’autre conséquence se fit sentir au moment du dégel : la distribution d’eau dont les canalisations étaient enterrées à 80 cm, était entièrement à refaire. Le gel était descendu à plus d’un mètre. Je crois que la décision a été prise de refaire en enterrant à 1,20 mètre de profondeur. À cette époque, il y avait une station météo (un ingénieur et quatre techniciens). »